Les treilles, anciennes vignes des mineurs, patrimoine de la commune
Article du Midi-libre du 14/01/2021
En 1829, une enquête auprès des maires avait permis à l’État de recenser 18 hectares de vignes sur la commune de Sénéchas dont Le Chambon n’a été séparé que dix ans plus tard, en 1839. Le préfet de l’époque s’était montré très sceptique par rapport à ce résultat : il suggérait que les réponses des maires étaient « au moins généralement faites dans un esprit de défensive ».
C’est donc, certainement avec des surfaces sous-estimées, que la vigne était essentiellement cultivée en treilles. Les ouvriers mineurs produisaient leur vin à base des cépages isabelle, jacquez, clinton… Ici, les treilles étaient construites avec le bois emblématique des Cévennes, le châtaignier mais aussi et très souvent avec des rails sortis de la mine…
Les cépages dominants en Cévennes étaient généralement utilisés pour un usage familial. Ils ont été interdits en 1934 à un moment où la France produisait trop de vin. Pour justifier une interdiction guidée par des raisons économiques, ces vins familiaux furent accusés de tous les maux alors qu’ils sont exploités aux États-Unis et qu’il est établi qu’ils ne contiennent pas plus de méthanol que les autres. Cependant, comme la plupart des Cévenols, les Chambonnards n’étaient pas de nature à arracher leurs plants sans résistance. Même si la fermeture de la mine, en 1961, a entraîné une forte diminution des acteurs, on a continué à faire son clinton. Mais peu à peu, faute de bras, l’entretien des treilles devint de plus en plus aléatoire et augurait de leur disparition prochaine.
Les treilles font partie du décor
Estimant que ces treilles sont un élément fort de son histoire et de son patrimoine, la commune a toujours encouragé leur maintien, leur valorisation voire leur implantation. Elle a même contractualisé en 2009 leur place sur le domaine public. Le résultat est visible lorsqu’on traverse le chef-lieu ou les places de Charreneuve ou Tarabias. Ces aménagements, souvent réalisés bénévolement, sont à l’image des Cévennes. Parfaitement intégrés à l’architecture locale, ils semblent être là depuis toujours. Ils ne coûtent quasiment rien. Ils font le bonheur de ceux qui peuvent profiter de l’ombre lorsque le feuillage a repris de dessus, dès le printemps.
Ces cépages pourraient être une aubaine dans un pays où la majorité des terres ont été peu à peu laissées à l’abandon. Ils pourraient apporter un complément de ressources à des jeunes qui voudraient s’installer. En effet, biens cultivés et bien vinifiés, ils donnent des arômes typiques à un vin de plus en plus apprécié et recherché. De plus, ils ne nécessitent quasiment pas de traitement alors que la viticulture traditionnelle consomme 20 % des pesticides concentrés sur 3 % des surfaces agricoles.
Les petits producteurs locaux soutenus par des associations comme Fruits oubliés réseau ou le Syndicat des Hautes Vallées Cévenoles militent pour leur réhabilitation. Un film (https ://www.vitis-prohibita.com/presentation) est également venu apporter une promotion forte à ces cépages, interdits pour des causes « fausses et inavouées ».
Sur la commune, une association, Conservatoire des cépages oubliés de Charreneuve, est née pour permettre à ses membres de perpétuer le goût et le plaisir du vin local malheureusement trop rare pour être consommé ailleurs que dans un milieu restreint.